
Cathryn Boch dessine avec la couture, la mêlant à des supports tels que cartographies, images satellites ou cartes postales, mais aussi acryliques ou autres matériaux. Sa quête du corps et de l’intime a rejoint celle des territoires et des paysages, pour nous conter l’histoire des hommes.
Dès ses études dans les années 1990 et à une époque où les plasticiennes et penseuses sont peu médiatisées, Cathryn Boch investit le champ de l’intime dans ses aquarelles. Elle y représente son propre corps, y parle de fluides et de circulation, témoignant autant d’elle que des autres. Le médium du dessin, avec ses déliés, s’impose comme une évidence. « Je l’ai toujours considéré comme un continuum, un lien privilégié avec la pensée. Le dessin est direct, immédiat mais c’est aussi un espace de recherche, de tentatives et d’expériences. Ce n’est jamais quelque chose qui s’annonce et s’avère déterminé à l’avance… ». L’artiste se met à beaucoup voyager et aime postuler à des résidences qui lui feront découvrir les pays de l’Est, notamment la Lituanie ou la Pologne. À force de consulter ses cartes routières ou les plans des villes qu’elle arpente à pied, elle décide d’en faire sa source de travail, considérant les routes et les fleuves comme des corps, des organes et des flux. Peu à peu, elle évoque autrement la figure, dans une forme de métaphore des mouvements sur ces territoires.
En parallèle, elle collectionne et coud des cartes postales ; son travail prend une ampleur d’ordre plus sociétal et politique. En partant au loin, elle songe à sa région natale du Grand Est et à ses découpages complexes ou ses différentes phases d’industrialisation. « Je pensais beaucoup aux notions de frontières, bousculées par l’histoire, et aux populations migrantes qui en subissent les conséquences », ajoute-t-elle. Elle malaxe toujours davantage la matière et le papier, qu’elle prépare avant toute intervention en le ponçant, l’observant, le caressant… Elle peut le trouer par la couture, le triturer, mais vient ensuite le réparer, le soigner, le lier par cette union des fils qui, dans leur dynamique, ont secondé l’usage de l’aquarelle. « Mon récit se crée par strates et contradictions. » Chez Cathryn Boch, sujets et textures accompagnent tota lement sa vie personnelle. Quand elle s’installe à Marseille, elle se recentre ainsi sur la Méditerranée et le sens de l’accueil et de l’hospitalité qui caractérise la cité phocéenne. Elle élargit encore son support et peut s’attaquer à l’immensité des toiles de voiliers. L’œuvre est exposée suspendue, gagnant en volume et en interprétation. Son espace de liberté ne s’arrête jamais et l’artiste aime se rappeler que le philosophe Jean-Luc Nancy considérait le plaisir et la sensualité du dessin dans sa constante découverte…
texte de Marie Maertens

Sans titre, 2019
carte maritime, image aérienne Fos-sur-Mer, image Google Earth, bois compressé, couture machine
53 x 74 cm,
courtesy Cathryn Boch/ADAGP 2025. ©Jean-Christophe Lett

Sans titre, 2019
plastique, cire, fil de cuivre, couture machine sur papier poncé,
149,5 x 158 x 25 cm.
courtesy Cathryn Boch/ADAGP 2025.
©Jean-Christophe Lett

Sans titre, 2019
carte IGN, peinture, cire, calque topographique, carton, fil de fer, images de presse, henné, couture machine, couture main, 160 x 70 x 25 cm
courtesy Cathryn Boch/ADAGP 2025. ©Jean-Christophe Lett

Sans titre, 2017,
photo aérienne, tirage argentique, carte topographique, cartographie Algérie, glaçage au sucre, couture machine, couture main, 79 x 117 x 17 cm.
Courtesy Cathryn Boch/ADAGP 2025. ©Jean-Christophe Lett

Sans titre, 2021
feuillet d’atlas, crayon couleur, plastique, bétadine, vernis, couture machine, couture main, 30 x 37 x 3 cm.
Courtesy Cathryn Boch/ADAGP 2025. ©Jean-Christophe Lett