Avec des couvertures de livres déchirés, Christos Venetis transmet une vision du monde combinant projection poétique, réflexion sur le rôle de l’image et glanage des innombrables clichés dont nous abreuve Internet.
Comme dans une sorte de protocole, Christos Venetis réalise ses dessins principalement au crayon graphite sur des couvertures fantômes. Le contraste est vif entre ses petits formats, délicats, précis et reproduits avec minutie, et la tranche maltraitée de l’ouvrage au titre inconnu. Si les supports rappellent les heures les plus sombres de l’histoire, et notamment les autodafés de la Seconde Guerre mondiale, la question générale de la représentation et de la narration de l’image s’impose. L’artiste affirme même travailler une forme d’absence de choix, face à laquelle il rendrait sa « matérialité à l’image ». Tout en offrant des noirs très profonds et cer-tains détails – notamment de nuques, de bras alanguis dans un lit ou de jambes se dévoilant – qui plongent le regardeur dans un doux érotisme, il est de ceux qui aiment citer leurs références. Elles vont des Mille et Une Nuits à l’historien de la littérature Sven Spieker ou au critique d’art Benjamin Buchloh, analysant la notion d’archives. « Je choisis mes sujets en ligne, m’intéressant essentiellement, au départ, à la tonalité du blanc et du noir, précise Christos Venetis. Si les sources sont colorées, je les convertis, puis les recadre. Je peux aussi flouter un élément ou zoomer sur certains détails. Ainsi, je travaille précisément sur la perte ou l’impossibilité de la narration, comme le disait Walter Benjamin. »
Toutefois, un dessin dont le support est une couver¬ture de livre se révèle intrinsèquement ouvert à des interprétations multiples. Christos Venetis joue d’une forme d’ambiguïté dans ce qu’il nous donne à voir, offrant la possibilité d’un récit imaginaire ou fantasmé. Tout en nous menant au plus près de son sujet, par¬fois en évoquant également des objets du quotidien, il affirme se concentrer sur des concepts de collections ou d’égalité des images. Il tente de réduire la charge émotionnelle des représentations, même s’il consent à appeler « blessure » la tranche déchirée des livres. En fragmentant la lecture linéaire, il se plaît à élaborer une atemporalité indéfinie. Dès lors, il peut s’inscrire dans une brèche située entre la véracité et la fiction. « J’aimerais édifier une réalité onirique ou hallucinatoire à partir des dessins de certaines photographies et, face au flux incessant d’illustrations des médias modernes, essayer de construire la notion d’une archive… ralentie », conclut-il… (texte de Marie Maertens).
Sans titre, 2022
Pencil on book Cover
21 x 31.5
Courtesy Galerie Martin Kudlek
Collection Florence et Daniel Guerlain
Sans titre, 2022
Pencil on book Cover
21 x 31.5
Courtesy Galerie Martin Kudlek
Collection Florence et Daniel Guerlain
Sans titre, 2022
Pencil on book Cover
21 x 31.5
Courtesy Galerie Martin Kudlek
Collection Florence et Daniel Guerlain
Sans titre, 2023
Pencil on book Cover
21 x 31.5
Courtesy Galerie Martin Kudlek
Collection Florence et Daniel Guerlain