Par différents médiums, dont le dessin demeure la racine, Alice Maher plonge dans les histoires ancestrales, les mythes et les inconscients. Elle tente de comprendre qui nous sommes et d’où nous venons. Elle affirme la place du corps féministe, en symbiose avec le monde animal et végétal.
Quand elle débute dans le milieu de l’art des années 1980, Alice Maher découvre l’impertinence des artistes Louise Bourgeois ou Helen Chadwick, qui lui donnent l’élan de parler non seulement de la cause féminine, mais plus largement des problématiques de domination et de colonisation. Ainsi, ses paysages témoignent de son Irlande natale qui fut spoliée et dont la langue fut interdite et remplacée… Si le travail assume d’être engagé et politique, il se réfère à ce qui est enfoui au plus profond de nous, voire caché. « Je viens d’un milieu rural dans lequel la relation au paysage est intrinsèquement liée au labeur et totalement éloignée du romantisme, précise-t-elle. Je le vis donc viscéralement, en tant qu’être humain ou même animal, par le ressenti que l’on peut en avoir. Dans un second temps plus analytique, j’y intègre ce désir de reconquête et de réappropriation de la terre, des espaces, puis des corps… » Au cœur de cette vaste histoire et de cette mythologie qu’elle connaît si bien, elle décrypte les récits de Marie Madeleine et de Cassandre, multiplie les longues chevelures ou les langues, et nous intime de revenir sur le concept de croyance.
Chez Alice Maher, le poids du monde peut aussi être figuré de manière littérale ou l’humain entrer en métamorphose avec divers animaux ou racines de la terre.
Elle se réjouit qu’aujourd’hui les notions de fluidité, de respect d’un vivant élargi et d’inter-espèce se soient imposées dans la société. La « vraie vie » rejoignant ce qu’elle figure dans ses dessins depuis plusieurs décennies. Elle les réalise avec dynamisme, souvent en grand format, traçant au fusain, se reculant, effaçant, recommençant, laissant visibles ses repentirs… afin d’accompagner au mieux son processus de pensée. « Il ne s’agit pas seulement d’accéder au subconscient, mais de lui octroyer en quelque sorte la permission de se mettre en action », conclut-elle. Les sujets reviennent parfois à la délicatesse de petits formats au crayon, se développant entre l’intérieur et l’extérieur des corps. Ils sont souvent au centre de la feuille, entourés d’un blanc généreux que l’artiste décrit comme un espace suspendu. Chacun d’entre eux semble alors chercher cet interstice qui contient, peut-être, la vérité de ce que nous sommes.
(texte de Marie Maertens).
Boots, 2009,
crayon sur papier,
30 x 24 cm.
©The Artist,
courtesy of Purdy
Hicks Gallery
Vox Hybrida 1,
2018, gravure en relief sur papier, coloriée à la main,
120 x 80 cm.
©The Artist, courtesy of Purdy Hicks Gallery
The Coral Tent, 2007, fusain
sur papier, 152 x 120 cm.
©The Artist, courtesy of Purdy Hicks Gallery