Majoritairement par le dessin, qu’il pratique depuis toujours, Ettore Tripodi marie des références classiques de l’histoire de l’art à des scénographies proches du septième art. Il décrypte et redéfinit le quotidien, pour en extraire une inquiétante étrangeté qu’il n’a jamais fini d’interroger…
Ettore Tripodi, en un très fin trait de feutre ou d’encre de Chine, parfois accompagné d’aquarelle, brosse une vie quotidienne et quelque peu rêvée, que chacun peut reconnaître. Il y décrit des intérieurs aux coupes de fruits garnies ou peuplés de protagonistes qui se prélassent au lit… Il y imagine des routes, des voyages ou des arrêts sur images dans la nuit, observés par divers animaux…
Avec naturellement des références à l’histoire de l’art et des hommages assumés à Rembrandt, Eugène Delacroix ou encore Jean Cocteau, Pablo Picasso et Giorgio de Chirico, il se laisse aller à une scénographie dynamique qui témoigne de son ressenti. « Quand je commence à dessiner, relate-t-il, j’ai une idée conceptuelle qui se nourrit au fil des feuilles. Elle ne se révèle pas en une image précise, mais se développe dans une sorte d’ensemble de sensations. » Si le spectateur peut suivre une histoire, presque à la manière d’une bande dessinée ou d’un storyboard de film, l’artiste y travaille cette liberté qu’il laisse au papier et « à ce que le dessin apporte par luimême ». Cette dichotomie est d’ailleurs l’un des points centraux de sa réflexion, tentant de rendre compte des différences de perceptions entre l’homme et l’animal, vues de l’intérieur ou de l’extérieur, à la lumière artificielle ou nocturne…
L’ensemble des archétypes d’Ettore Tripodi rejouent l’histoire des mythes et relatent, par exemple, une version contemporanéisée de la louve qui allaita Romulus et Rémus. L’artiste y immisce des réflexions sur les thèmes de la sauvagerie, la captivité, la possession ou l’adoration.
Ainsi, il oscille entre son interprétation personnelle du Jardin des délices et un quotidien étrange ou étouffant. Il se dit fasciné par La Vie mode d’emploi de Georges Pérec qui, à chaque chapitre, « aborde différents thèmes, avec cette forme de folie encyclopédique et un détachement drolatique qui ne tombe jamais dans la tragédie ».
Par ses travellings avant et arrière, il tisse des récits qui pourraient se lire (avec leurs fortes références stylistiques aux années 1930) comme une volonté de s’éloigner d’une actualité délétère, mais se défend de tout propos social ou politique. Grâce à un vocabulaire précis et identifiable, il souhaite davantage créer une nouvelle méthodologie de langage… se réalisant par les traits infinis de ses dessins.
texte de Marie Maertens
Notturni 38, 2018
encre et aquarelle sur papier,
35 x 50 cm.
©Ettore Tripodi
Venerdì, série Istantanee, 2023,
encre sur papier, 36 x 50 cm.
©Ettore Tripodi.
Notturni 34, 2018
encre et aquarelle sur papier
35 x 50 cm.
©Ettore Tripodi.
Notturni 20, 2018,
encre et aquarelle sur papier
35 x 50 cm.
©Ettore Tripodi.